Larry Dossey est médecin. Son parcours personnel l’a amené à s’interroger sur l’utilisation de la prière en tant que thérapie. Il a publié ses recherches et ses réflexions dans un livre intitulé « Ces mots qui guérissent ». Le sous-titre « Le pouvoir de la prière en complément de la médecine » donne la tonalité du livre. L’approche est scientifique, ce qui génère un livre un peu verbeux sans toutefois occulter des réflexions de base à mettre en exergue.
Parmi les bémols, je souligne également l’absence du moindre exposé permettant de détailler les différentes façons de prier. L’auteur balaie le sujet en disant clairement que chacun doit procéder comme il le sent.
Dès l’introduction, le sujet est posé : les effets de la prière sont limités. Parmi tous les miracles constatés à Lourdes, aucun ne mentionne un membre amputé qui aurait repoussé ou un œil crevé qui se serait reconstitué. D’autre part, les statistiques montrent que si la prière entraîne une guérison dans 20% des cas, il n’est pas possible de prédire au préalable dans quels cas la guérison aura lieu. Toutefois, ces 20% de réussite permettent à Larry Dossey d’écrire : « Il est indubitable que la prière influe efficacement sur des processus physiques de divers organismes, de la bactérie à l’homme ». Ce constat lui permet d’en tirer une conclusion : « Le fait que la prière est efficace nous indique quelque chose d’extraordinairement important sur notre véritable nature, et sur la façon dont nous serions reliés avec l’Absolu ».
Larry Dossey rappelle qu’il existe plusieurs types de prière, notamment la supplique, demander quelque chose pour soi-même, et l’intercession, demander quelque chose pour quelqu’un d’autre, mais également la confession, les lamentations, l’adoration, l’invocation ou l’action de grâce (témoigner sa gratitude). Dans une autre approche, ces différentes formes de prières se répartissent en deux catégories : demander quelque chose, ce qui revient à dire à l’univers ce qu’il doit faire ou s’en remettre au divin : « Que ta volonté soit faite ». Laquelle des deux méthodes est la plus efficace ? « (…) la technique non dirigée apparaît quantitativement plus efficace, fournissant fréquemment des résultats deux fois supérieurs ou plus, lorsqu’on les compare à ceux de l’approche dirigée ». En d’autres termes, lorsqu’une personne prie à grand renfort de formulations diverses et de visualisations pour voir se réaliser un but précis, elle est moins performante et moins imaginative que l’univers. En effet, les recherches scientifiques réalisées sur la base d’un grand nombre de tests montrent que « lorsqu’une prière non dirigée est exaucée, le résultat a toujours tendance à répondre au mieux aux besoins de l’organisme ».
L’un des points majeurs mis en évidence dans cette étude concerne les notions de « local » et « non local ».
« La prière est un évènement véritablement non local – ce qui signifie qu’elle n’est pas confinée en un lieu spécifique de l’espace ni à un moment spécifique du temps. La prière dépasse l’ici et maintenant ; elle agit à distance et hors du temps présent. Comme elle procède d’une action mentale, cela implique l’existence d’un aspect particulier de notre psychisme qui est aussi authentiquement non local. Si c’est le cas, alors quelque chose en nous est infini dans l’espace et dans le temps – donc omniprésent, éternel et immortel. (…) En Occident, cet aspect infini du psychisme correspond à l’âme. Les preuves empiriques du pouvoir de la prière étayent donc indirectement la réalité de l’âme. Elles démontrent également que nous avons des qualités en commun avec le divin (…) car l’infinitude, l’omniprésence et l’éternité sont des qualités que nous avons aussi attribuées à l’Absolu ».
Larry Dossey enchaîne en reconnaissant que cette conception contredit le message des religions qui fait de l’être humain un personnage local, dans l’ici et maintenant, et de Dieu une entité non locale. En creux, il émet le souhait que ces conceptions évoluent de façon à hisser l’être humain jusqu’à un niveau non local, même si une partie de lui-même demeure au niveau local.
Je mets en exergue le titre d’un paragraphe, « Nous ne créons pas le monde, nous sommes le monde », dans lequel il suggère qu’un modèle duel de la Création (l’être humain vs le monde qui l’entoure) est devenu obsolète, ce qu’il exprime ainsi : « (…) il y a une réciprocité profonde et irréductible entre le monde et nous, et séparer l’existence en une dualité sujet/objet n’a pas de sens ».
Ainsi, comme nous sommes partie prenante de la Création, il peut paraître aisé de changer le monde de l’intérieur. Cependant l’être humain est une entité complexe qu’il est difficile de définir parfaitement mais que l’on peut tenter de cerner selon différentes approches. L’une de ces modélisations dote l’être humain d’une partie consciente et d’une partie inconsciente. Ce constat permet de comprendre le manque d’efficacité de la prière : « L’inconscient complique considérablement la prière. (…) il agit sur la santé de diverses manières qui peuvent s’opposer aux désirs de la conscience. Si nous prions en tenant compte uniquement de ce qui est acceptable pour la conscience (…) il se peut que nous perturbions les souhaits de l’inconscient et que nous entravions ses puissants effets curatifs (…) ».
A propos de cette difficulté, d’autres auteurs parlent d’alignement, d’harmonie ou d’autres qualificatifs mettant en évidence la nécessité de définir une approche correcte envers la Création dont nous sommes partie prenante mais dont nous n’avons conscience que d’une infime partie. Larry Dossey répond à cette problématique par une pirouette ; il préconise de se fier aux messages véhiculés par les rêves. Je regrette qu’il occulte si facilement un sujet aussi vaste qui englobe tant de disciplines, depuis l’hypnose jusqu’à la divination en passant par toutes les techniques spirituelles, notamment la méditation.
Rebondissant sur le concept de non localité, Larry Dossey montre que la prière a un effet par-delà l’espace et le temps mais, pourtant, aucune énergie n’est échangée entre l’émetteur et le récepteur. Pour expliquer ce phénomène, il invoque tout d’abord un principe de physique quantique qui veut que, lorsque deux particules ont été en contact une seule fois, elles réagissent simultanément à une impulsion donnée à une seule de ces particules. Mais sans l’exprimer clairement, on comprend entre les lignes que cette explication n’est pas satisfaisante parce qu’il est possible de prier avec succès à l’intention d’une personne que l’on n’a jamais rencontrée. C’est pourquoi il en tire une autre conclusion : « La conception non locale suggère que l’on ne peut confiner l’esprit en des points spécifiques de l’espace (…) ou du temps (…), mais qu’il est infini dans l’espace et dans le temps ; l’esprit est donc omniprésent, éternel et immortel. Si les esprits sont véritablement non locaux, cela signifie qu’en principe on ne peut les séparer les uns des autres par des murs : à un certain niveau ils se confondent et de ne font plus qu’un ».
J’interprète cette dernière phrase d’une part comme faisant référence à la conscience de l’Unité qui sous-tend notre monde duel et d’autre part comme une explication à l’interrelation susceptible de s’établir entre un esprit et un autre sous l’effet d’une intention.
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