J’ai le souvenir des adultes de mon enfance qui, lorsqu’ils se rencontraient, passaient énormément de temps à se raconter toutes leurs maladies et toutes leurs souffrances physiques. Et j’avais l’impression qu’ils se délectaient à passer en revue tous les malheurs des gens de leur entourage et de leurs connaissances.
Cette attitude était couramment répandue, et depuis longtemps, puisque Jules Renard, dans son journal y faisait déjà allusion lorsqu’il écrivait que la visite à un malade était l’occasion de se raconter tous les malheurs du monde.
A cette époque, bien que débutant dans la vie, j’en avais conclu que, pour les adultes, pour « les vieux », souffrir c’est exister, avoir mal c’est vivre. En approfondissant la réflexion, il m’est vite apparu que le fait de se plaindre est une façon d’attirer l’attention des autres sur soi. Ce phénomène doit faire partie du package de la condition humaine, James Redfield l’a bien compris puisque, dans son livre « la prophétie des Andes », il en a fait l’objet d’une révélation dans laquelle il mentionne que le fait de geindre est l’une des façons de prendre de l’énergie aux autres.
Mais bien sûr se lamenter sur son sort n’est pas la bonne attitude et ce, pour au moins deux raisons.
Tout d’abord, si on a besoin d’énergie, ce n’est pas à nos contemporains qu’il faut la demander, les pauvres sont comme nous, ils font ce qu’ils peuvent. Non, c’est à l’Univers qu’il faut s’adresser pour ce genre de demande. Et en plus il convient d’adopter le comportement adéquat. Mais il s’agit d’un autre débat.
La seconde raison est que la nature humaine n’est pas faite ainsi. Dans un groupe, les trainards, les différents, ceux qui ne peuvent pas suivre, les marginaux … sont mis à l’écart, délaissés, abandonnés sur le bord de la route. J’en veux pour preuve que notre société a été obligée de légiférer sur le handicap afin de rendre obligatoire l’insertion dans la société de ceux qui sont différents.
Ce débat met en lumière deux types de comportements erronés : Se plaindre, se victimiser n’est pas la bonne attitude et rejeter les faibles n’est ni correct ni souhaitable. Parce que le groupe devrait avancer dans son ensemble au lieu de rejeter ses éléments qui se démarquent de la norme.
Comment réagir en pareil cas ?
Si le rejet, le bannissement conscient ou indifférent et pourtant si souvent spontané est à exclure, il existe une gradation dans les comportements envisageables.
Sur son chemin vers Lhassa, il advint qu’Alexandra David Neel rencontra une dame mourante allongée sur le bord de la route. ADN écrivit cette remarque dans laquelle il me semble percevoir une pointe de sentiment de culpabilité :
« (…) « Passer son chemin », n’est-ce pas ce que l’on est contraint de faire chaque jour, le cœur serré, impuissant que l’on est à soulager les innombrables malheureux gisant le long de tous les chemins du monde ».
Et moi je me plais à rêver d’un monde dans lequel la différence de l’autre, ses faiblesses, ses manques, sa souffrance éveilleraient un sentiment spontané de compassion. Spontanément. Sans qu’il soit nécessaire de légiférer.
… mais pour cela il reste beaucoup de chemin à parcourir.
1 Comment
Anonyme
13 juillet 2016 at 19 h 10 minC’est un véritable plaisir que de lire ces pages si intéressantes, si bien rédigées.
Toutes mes félicitations.